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août 2014

COWORKING LAB DIGITAL

Electrolab : le plus grand FabLab industriel d’Europe

 L’Electrolab est l’un des FabLabs historiques de l’Hexagone. Cette association forte de 120 membres a été créée au tout début de l’année 2011, à Nanterre, par quatre ingénieurs passionnés de technique et de technologie. Elle continue de s’agrandir et d’améliorer un lieu où les machines industrielles côtoient les microscopes, fraiseuses, imprimantes 3D et autres chambres à vide. Visite au sein du futur plus grand FabLab d’Europe.

Reportage : Pascal Hérard – Photos : Marie Le Boiteux.

C’est une grande pièce carrelée dans laquelle on débouche, sous un immeuble d’entreprise, après avoir franchi quelques marches et passé une porte de métal contrôlée par un badge RFID. Une table rectangulaire, des étagères bourrées de matériel, une bouilloire fumante et des gens qui discutent : on pourrait se croire dans une sorte de club de bricoleurs sympathiques qui se réuniraient le soir pour s’occuper, avec comme passion commune, la technique. Mauvaise pioche : sous une apparence d’amateurs sympathiques qui s’entassent dans un sous-sol rempli de matériels hétéroclites, se cache en réalité une véritable machine de guerre à innover, inventer, modifier, réparer, échanger, créer… et plus encore pour qui veut en savoir plus.

Une usine à domicile

Le tour industriel

Le tour industriel ou l’usine à domicile

L’accueil à l’Electrolab est très chaleureux. Samuel, Clément et Yannick, trois des membres fondateurs de l’association y sont pour beaucoup. Ils se relayent d’ailleurs chaque mardi soir pour faire visiter ce “lieu de tous les possibles” à qui en a fait la demande. C’est alors, pour le néophyte, la visite d’un musée étrange, empli d’appareils électriques, électroniques, à commandes numériques ou analogiques, de câbles, et de perceuses. Sauf que tout ce qui est là n’est pas là pour être seulement regardé, mais avant toute chose utilisé… ou pas. Notre guide, ce soir-là, est Yannick, peu avare d’explications à chacune de nos questions. Une première salle avec deux énormes monstres d’acier à la peinture verte typiquement industrielle, accolés à une grande cage de verre contenant des câbles et une tête de métal. Yannick pointe du doigt l’un des deux monstres d’acier : Cette machine, c’est une fraiseuse, ça permet de fabriquer des pièces en métal, principalement, par enlèvement de matière.

Fabrication assistée par ordinateur avec la fraiseuse numérique

Fabrication assistée par ordinateur avec la fraiseuse numérique

L’engin doit peser plus de deux tonnes, et aux vues des manettes à l’ancienne qui parsèment son tableau de commande on imagine qu’il n’est pas récent —ce que confirme notre guide : elle est très ancienne, des années 50, elle a été entièrement remise en état par les membres du Lab, comme cette autre machine. Il la désigne du doigt : C’est un tour conventionnel, qui n’est pas piloté par ordinateur, exactement comme la fraiseuse. Il sont à peu près de la même époque. On fabrique aussi des pièces par enlèvements de matière, mais avec le tour, à la différence de la fraiseuse, c’est la pièce qui tourne au lieu que ce soit l’outil qui tourne.  Il y a des miettes de métal encore présentes sur la fraiseuse et le tour, ces machines ne sont pas là juste pour leur esthétique : que font donc les membres de l’Electrolab avec elles ? C’est très varié, on fabrique par exemple des pièces d’adaptation pour des robots. Vous achetez un moteur, une poulie, il faut bien qu’il y ait une pièce d’adaptation entre les deux : vous la fabriquez. Là il y a une cuve à vide, toutes ses pièces d’adaptation ont été tournées en inox avec ces machines. Une cuve à vide ? Oui, il y a plein d’applications avec une cuve à vide, et nous c’est principalement pour faire des dépôts métalliques, métalliser des pièces en plastique par exemple, ou bien pour des miroirs de télescope. Elle a d’ailleurs été conçue pour ça au départ, pour des miroirs de télescope.

FoldaRap

La FoldaRap de l’Electrolab, imprimante 3D pliable conçue par le Français Emmanuel Gilloz.

Quant à la “cage en verre”, en s’approchant un peu plus, on remarque qu’un ordinateur portable y est raccordé. Yannick en donne la raison : C’est une fraiseuse à commande numérique, pilotée par ordinateur. On dessine sa pièce avec un logiciel de CAO (conception assistée par ordinateur, NDLR), on a un plan, et à partir de ce plan on va faire de la FAO, de la fabrication assistée par ordinateur, avec un logiciel qui calcule les trajectoires de l’outil pour réaliser la pièce, par enlèvement de matière. Cette machine est très précise, on l’utilise beaucoup pour tout ce qui touche à l’électronique.

L’Electrolab utilise donc des machines industrielles pour réaliser des prototypes, comme tout FabLab qui se respecte. Cette capacité technique de haut niveau, normalement réservée aux usines, est à la portée des membres de l’association.

Foreuse inversée pour cartes électroniques

Foreuse inversée pour cartes électroniques

Chacun peut demander à être formé par un membre en mesure de le faire, pour apprendre à utiliser ces machines industrielles. Un système de badges RFID — créé par le Lab — autorise ou non la mise en route de chaque machine en fonction du degré de formation des membres. Les imprimantes 3D ou RepRap sont présentes et utilisées là où elles peuvent apporter un bénéfice que les machines industrielles n’ont pas, mais ne sont pas le cœur technique et technologique de l’Electrolab, à l’inverse d’autres espaces similaires.

Projets individuels, collectifs, et incubation d’entreprises

Perçage d’une carte électronique avec la foreuse

Perçage d’une carte électronique avec la foreuse

Au-delà de la salle centrale de type “hackerspace”, de la salle aux machines industrielles, l’Electrolab possède aussi un espace dédié à l’électronique, bourré d’appareils permettant de réaliser les projets les plus variés de ses membres. Il y a aussi un espace chimie — à accès limité — où l’on peut aussi utiliser une machine très pratique pour ceux qui veulent créer des circuits imprimés : une perceuse inversée.  Cette machine permet de percer très précisément des cartes pour tous les projets à base d’électronique. On peut créer nos cartes électroniques pour installer nos propres composants dessus explique Yannick, qui surenchérit : Il va y avoir une salle blanche et une salle grise avec l’extension des nouveaux locaux. Cela permettra de faire toutes sortes de manipulations de physique fondamentale, mais aussi de réaliser toutes sortes de process industriels, notamment dans le domaine de la micro- électronique, pour fabriquer par exemple des circuits intégrés.

Welcome to Electrolab V2 : 1500 m2 d’espace technique, convivial et collaboration

Welcome to Electrolab V2 : 1500 m2 d’espace technique, convivial et collaboration

Un FabLab en mesure de créer des circuits intégrés ? Le challenge laisse songeur, mais l’Electrolab, comme pour chacune de ses avancées, s’organise, travaille et expérimente : L’idée de la salle blanche est d’avoir un espace exempt de toute poussière, ce qui est nécessaire pour beaucoup d’opérations où l’on manipule des tous petits composants, ou encore dans l’utilisation de la cuve à vide pour les miroirs de télescope. Mais tenter, de manière expérimentale, en amateur, en récupérant des choses de droite à gauche, de créer nos propres circuits intégrés, c’est une démarche qu’on veut avoir. Ce type d’espace peut aussi permettre de réparer des instruments de mesure, un disque dur, comme un objectif d’appareil photo.

Salle électronique

Un coin de la salle électronique de l’Electrolab V 1.0

Les projets sont au cœur du FabLab, et ils ne manquent pas. Chaque membre en a plusieurs, individuels ou collectifs, ce qui représente des centaines de projets en cours de réalisation. Mais le projet principal qui occupe l’attention de tous et mobilise tous les week-ends est la version 2.0 de l’espace actuel. Un espace entièrement conçu, construit par ses membres, de la décontamination du sol, imprégné d’encres industrielles, câblage électrique, de la plomberie, carrelages, à la pose des moquettes : le principe du “DiY” (Do It Yourself, “faire par soi-même”), cher aux FabLabs est ici la règle depuis le départ. Avec l’extension des locaux actuels de 150 mètres carrés à 1500, l’Electrolab entre dans une nouvelle ère : espace convivial avec bar, salles de formations, espace de coworking, incubateur d’entreprises, salles dédiées à la la découpe laser, etc.

Yannick exprime cette avancée par la pression des membres qui sont de plus en plus demandeurs de nouvelles possibilités, et toujours prêts à venir travailler pour améliorer et agrandir le lieu. On commence à avoir trop de monde avec l’espace actuel, et les membres veulent plus, alors on fait. Au sujet de l’incubateur de startups, l’idée est simple : On s’est rendu compte que des membres se rencontraient ici, avec des idées et des compétences complémentaires, et qu’ils pouvaient avoir envie de monter leur entreprise. C’est en cours avec un projet hyper innovant et unique en Europe. Donc nous allons offrir un espace payant aux entreprises qui veulent se constituer, avec toutes les facilités qu’offre le FabLab pour pouvoir réaliser leurs prototypes.

Innovation, espace social, recherche et développement

La fraiseuse à commande numérique : un engin de plus de trois tonnes cinq...

La fraiseuse à commande numérique : un engin de plus de trois tonnes cinq…

L’Electrolab est un FabLab (ou HackLab comme préfèrent le nommer ses concepteurs d’origine) hors normes par plein d’aspects : résolument axé sur le relationnel, le social, il se refuse à tout rapport marchand avec le public. Le principe d’origine des FabLabs y est appliqué à la lettre : le savoir s’échange et ne se monnaye pas, les machines, le matériel sont en accès libre et gratuit, les freins à la réalisation des projets n’existent pas dans la limite de leur faisabilité, chaque membre faisant appel à d’autres en cas de blocage ou de trop grandes difficultés. Cette orientation sociale et associative n’enlève rien au caractère innovant de l’espace, au lien fort avec la recherche et le dévelop-pement nécessaires aux entreprises, mis en avant dans la nouvelle version du lieu : les deux cohabitent et se nourrissent mutuellement, avec la même optique qui est celle de pouvoir inventer, imaginer et fabriquer ce qui est normalement réservé aux industriels.

Yannick, guide d?un soir, et l?un des quatre membres fondateurs de l?Electrolab

Yannick, guide d’un soir, et l’un des quatre membres fondateurs de l?Electrolab

Nous, les membres fondateurs de l’Electrolab, sommes tous à l’origine des cadres de l’industrie. Et l’on avait le même constat : quelque chose n’allait pas dans ce qu’on faisait la journée au sein de nos entreprises. Un sentiment de désindustrialisation, de perte de savoir-faire. Avec une envie de transfert de savoir importante. Donc c’est à travers cette envie qu’on a voulu faire un lieu où l’on pourrait apprendre à faire les choses et apprendre les uns des autres résume Yannick lorsqu’on le questionne sur les motivations à créer l’Electrolab. S’ils refusent l’appellation FabLab, alors qu’ils sont pourtant un vrai laboratoire de Fabrique d’objets, c’est parce que les noms des choses ont un sens, et qu’avec cette étiquette les gens pourraient se dire “ah oui, les FabLabs j’en ai déjà vu, et l’Electrolab, c’est pareil “, alors que notre vocation ce n’est pas forcément de fabriquer des choses en premier, mais avant tout la transmission libre et non marchande dans le domaine des sciences et des techniques.

La cuve à vide de l'Electrolab

La cuve à vide de l’Electrolab

C’est avec cette orientation de transmission de savoir et de savoir- faire que les possibilités offertes au sein l’Electrolab sont en réalité bien plus importantes que dans de nombreux lieux qui s’intitulent FabLabs. Il faut dire que la transmission en question requiert des engins et des techniques pointues : tous les FabLabs ne remettent pas en état des fraiseuses à commande numérique de 3 tonnes cinq ou des découpeuses laser de 20 000 watts électriques et 1200 watts optiques…

L’Electrolab est certainement le FabLab le plus dynamique de France et le plus équipé sur le plan industriel. Il va certainement devenir le plus grand d’Europe, une fois les aménagements de la version 2.0 effectués. Avec comme seuls moyens, de l’huile de coude et les dons des membres : les mouvements Maker et Do It Yourself français ont là un véritable acteur qui risque de compter dans les années à venir… si ce n’est déjà fait.

Electrolab : fiche signalétique

  • Localisation : Nanterre
  • Superficie du FabLab : 150 m2, extension en cours à 1500 m2
  • Forme juridique : association
  • Ancienneté : janvier 2011
  • Nombre de participants : 120 adhérents – 400 membres, plus de 100 visiteurs extérieurs par mois
  • Financement : participatif
ARCHITECTURE SOCIALE COWORKING LAB

RuralLab : le FabLab campagnard des bricoleurs 2.0

Le RuralLab de Néons sur Creuse est une nouvelle forme très originale de FabLab français. Son instigateur et animateur phare est une star internet du “casual hacking” (détournement et bidouillage des objets du quotidien), Olivier Chambon, célèbre pour ses vidéos de bricolage délirantes diffusées sur le site “La Grotte du Barbu”. Visite au sein du premier FabLab rural déterminé à faire société autour du Do It Yourself, de la technologie et du bricolage.

Reportage : Pascal Hérard – Photos : Marie Le Boiteux

Lorsqu’on arrive au bout de la rue principale de Néons sur Creuse, petit village de 400 âmes, on ne peut pas rater le bâtiment face au jardin public, avec ses portes vitrées bardées d’autocollants qui annoncent directement la couleur : découvrir, jouer, apprendre, fabriquer, innover. La mairie a prêté cet ancien café communal à l’association RuralLab, créée en juillet 2013. La bande de joyeux drilles férus de réparation d’objets, de technologie et d’inventions en tout genre a donc monté son “FabLab rural” dans cet espace municipal, sous l’impulsion d’Olivier Chambon, plus connu sous le pseudonyme de Babozor, du site internet “la Grotte du Barbu”. Le personnage est égal à celui qui apparaît dans les dizaines de vidéos diffusées sur le site de “casual hacking” : débonnaire, sympathique, rigolard mais très très engagé dans ce qu’il fait.

Espace convivial et Wifi ouvert

Babozor et Jason

Olivier Chambon “Babozor” et Jason “Prototux” : les rural-makers du RuralLab de Néon sur Creuse (de gauche à droite)

Babozor nous accueille accompagné de son fidèle comparse, Jason (dit Prototux), jeune homme passionné d’électronique et d’informatique. La salle centrale du RuralLab comporte un bar, trois ordinateurs sous Gnu/Linux raccordés à une imprimante et au net, un canapé avec une console de jeux, une grande étagère de livre et de boites de jeux, des tables mises bout-à-bout entourées de chaises. Mais comment fonctionne donc le lieu ? Ici, dans l’espace central, en gros, le principe c’est qu’on a une méta-table, mais on va se construire une vraie table. Donc, tu bosses, tu bidouilles, et vu qu’il y a plein de projets différents, le but c’est que le gens s’assoient les uns à côté des autres et échangent explique Olivier.

RuralLabL’une des plus récentes actions du RuralLab, qui a ouvert ses portes seulement en décembre 2013, a été d’offrir son accès Wifi au village : On a la moitié de Néons sur Creuse qui est couverte par notre Wifi en accès libre, je ne sais pas encore si les gens l’utilisent, on n’a pas pris le temps de faire des stats, mais je sais que le maire, ça lui a plu!. On comprend très bien le contentement du maire…

RuralLab 6

Récupération à tous les étages

La suite de la visite de l’espace convivial du RuralLab par Babozor permet de mieux appréhender l’orientation de ce “FabLab des campagnes” : Là on a l’espace “Lounge” avec un vieux canapé récupéré et des consoles, Gamecube, Nes, etc, et puis il y a aussi des jeux de société, des bouquins sur les makers, et des outils, tout ce qu’on utilise un peu tout le temps. Au bout de la salle, le bar, et derrière, une petite salle couverte de rayonnages qui montent jusqu’au plafond, remplis d’appareils de toutes sortes. Babozor s’amuse en décrivant les dizaines de boites de cables réseaux, lecteurs DVD, et autres alimentations rangés à la verticale : l’idée c’est que les gens ramènent ce qu’ils ont, et nous on démonte, on trie, on classe, et si après quelqu’un a besoin de quelque chose, il vient et il prend. Il y a des imprimantes, comme des câbles réseaux, et quand on ne peut pas réparer, tout ce qui est plastique et électronique, on met de côté, le métal, on le file à la déchetterie ou on le revend. Un accès totalement libre au matériel n’inquiète pas Olivier : si on voit qu’il y a des abus et qu’on se fait piller le matériel, on le mettra payant, ça calmera, mais pour l’instant, tout va bien, donc il n’y a pas de raison.

Au sous-sol, la grotte-FabLab

RuralLab 5Le RuralLab est un FabLab : comme tout FabLab il ne peut se passer de machines et d’un espace de fabrication d’objets. C’est après avoir emprunté un escalier de béton en colimaçon, que l’on débouche dans une grande cave qui sert à la fois d’atelier et de salle serveurs. Là c’est l’atelier de sérigraphie pour faire des teeshirt, des affiches, tout a été fait maison. Il y aussi un projet de broyeuse de plastique. Aujourd’hui il y a soit des micro-broyeuses, soit des broyeuses industrielles, mais rien entre les deux. On pourra mettre par exemple une caisse d’imprimante dedans et récupérer des copeaux de plastique pour faire ce qu’on veut avec ensuite explique Olivier Chambon. La salle est longue d’une quinzaine de mètres et bourrée de matériel tant informatique que mécanique. Certains appareils ne ressemblent à rien de connu, et Babozor-Olivier Chambon s’en amuse : On est en train de faire un partenariat avec une radio locale, on a récupéré un émetteur FM, et là, l’armoire câblée, c’est du matériel récupéré chez France Inter. La cave est en cours d’aménagement et si du matériel manque encore, il y a déjà plusieurs machines en place : scie électrique, perceuse, ordinateurs, marteaux, tournevis, en réalité tout ce qui peut servir à la fabrication d’objets.

Perceuse à commande manuelle

Perceuse à commande manuelle

Le RuralLab a ses propres serveurs informatiques, dns, web, mail, netboot et a débuté la mise en place d’un labo d’électronique. Babozor attend avec impatience l’a possibilité d’investir dans des machines à commandes numériques : découpeuse laser et imprimante 3D. En attendant, la grotte du Barbu a été déplacée dans la zone de gros bricolage, une deuxième pièce au fond de la cave, avec aujourd’hui un lave-vaisselle qui attend d’être désossé pour que ses entrailles soient ouvertes et des pièces récupérées pour créer…autre chose. Il y a de quoi souder, couper, démonter, tordre, détordre tout ce qu’il faut quand on a besoin de faire des trucs un peu bourrins qui demandent du lourd, explique Olivier dans un grand sourire jovial.

Le RuralLab : répondre aux besoin de tous

Les deux co-fondateurs n’arrêtent pas un instant depuis l’ouverture du RuralLab. Sur la mise en place et le fonctionnement, Olivier raconte : 98% a été fait avec de la récup, le reste venait de chez nous, Jason et moi. On est ouvert sept jours par semaine, alors qu’on est censé être fermé le lundi, mais si tu veux que les gens viennent, il faut être ouvert.

Atelier de bricolage en cours de constitution

Atelier de bricolage en cours de constitution

Le concept du RuralLab est basé sur un constat central, que traduit simplement Babozor : On répond aux besoins, et les besoins aujourd’hui à 80% c’est réparer son ordi, envoyer des mails, apprendre à utiliser l’informatique. C’est pour ça qu’on fait des ateliers super pratiques basés sur les usages. Le but c’est que les gens viennent, reviennent, et ensuite de toute façon il y aura un pourcentage qui aura envie de faire des projets un peu bizarres et qui profitera du reste du matériel. Il y aussi des entreprises qui vont avoir besoin de ce genre de structures un peu spéciales, mais pour ça il faut qu’ils voient des trucs un peu nouveaux comme les découpeuses laser, les imprimantes 3D, et qu’ils voient ce qu’on fait avec.

L'espace gestion des serveurs du FabLab

L’espace gestion des serveurs du FabLab

Les ateliers hebdomadaires du RuralLab sont là pour offrir aux membres de l’association la possibilité d’apprendre, échanger autour d’un thème précis : couture, initiation à l’informatique, réparation de jouets, utiliser une imprimante, vendre sur Internet, etc… L’engouement est là, puisque l’association est forte de 100 adhérents pour une commune de 400 habitants ! Olivier Chambon explique ce succès par cette approche pragmatique basée sur les besoins réels, en opposition avec d’autres FabLabs qui ont déjà une population d’élèves designers, ou une majorité de gens experts qui savent utiliser les outils. Par exemple, ici, si personne n’utilise l’atelier sérigraphie, on le met de côté et on met autre chose à la place, on est en adaptation permanente en fonction des besoins des gens. Ca peut être apprendre à bien utiliser son téléphone portable comme un ordinateur ou un appareil photo, trouver des solutions logicielles adaptées.

Un espace social autour de la technique…

RuralLab

Le RuralLab apporte de nombreuses innovations par son approche originale du concept de FabLab. La principale est de se placer comme une structure totalement ouverte au sein d’un village, structure qui permet un échange social transgénérationnel autour de la technique et de la technologie. A ce sujet, Babozor est engagé et revendique cet aspect : Les gens ont besoin d’apprendre à utiliser des techniques, et ils n’ont pas ici comme à Paris le dernier cri des machines en informatique, et puis surtout ça fonctionne dans les deux sens : il y a eu un atelier couture il y a peu de temps, et moi par exemple, je n’y connaissais rien. Il y a une femme qui est venue avec une surjeteuse, je ne savais pas ce que c’était. J’ai adoré ! Au point qu’une vidéo de la Grotte du Barbu a suivi, sur la création d’un sac à partir d’une récupération. Avec Babozor aux manettes d’une machine à coudre.

Pendant qu’il nous parle, Olivier Chambon s’est installé derrière le bar et confectionne une pizza. Il la met dans un four et continue : Le but, c’est qu’à la fin, le RuralLab ce soit une plateforme, avec des compétences, des espaces, du matériel. Les gens viennent, se rencontrent, s’arrangent, se parlent, et font des projets ensemble. C’est ça qui nous intéresse, et aussi de tout démystifier. Pas seulement l’informatique. Pour moi, c’était de démystifier une machine à coudre, mais ça peut être une voiture.

Une part de pizza toute chaude est déposée devant nous : au RuralLab, on fait et on partage. Il est possible d’imaginer que si des villages français s’inspiraient de ce modèle, de nombreuses innovations pourraient voir le jour, ainsi qu’un renouveau des échanges sociaux. Ses fondateurs sont en tout cas optimistes, le lieu s’améliore, les gens affluent. Il ne manque qu’une chose au RuralLab pour s’assurer une longue vie de “casual hacking” : un peu plus de financement…

RuralLab : fiche signalétique

  • Localisation : Néons sur Creuse
  • Superficie du FabLab : environ 150 M2
  • Forme juridique : association
  • Ancienneté : juillet 2013
  • Nombre de participants : 100 adhérents – 150 visiteurs par mois Financement : participatif