Comment fédérer un électorat volatile qui semble ne plus faire confiance aux hommes politiques ? Quels sont les enjeux du Web 2.0 pour les politiques ? Comment s’adresser directement aux citoyens sans passer par les mass media ? Comment déployer une stratégie digitale quand on est une figure politique ? Comment rester authentique et transparent ? Comment mobiliser ses équipes et relayer ses messages?
Tentons de comprendre et de décrypter ces nouvelles stratégies.
Quand la politique se digitalise !
« Segoland » est apparu en 2006 avec pour ligne éditoriale « un Internet qui nous ressemble », fondant sa légitimité sur la participation active du citoyen à la prise de décision. En 2007, le cocorico français et Desirdavenir.org a montré l’exemple du web participatif. Il devient alors, le premier réseau politique participatif, où les citoyens peuvent lancer des sujets, participer et échanger.
Aux Etats-Unis, les hommes politiques ont pris conscience de l’importance du Web participatif. En 2008, Obama a été très impliqué dans les outils du Web 2.0. Son équipe a su s’approprier les différents réseaux, et cibler une population qui ne s’intéresse pas forcément à la politique. Cette méthode a professionnalisé l’enjeu du Web 2.0 participatif dans une stratégie politique. Sans cela, Obama n’aurait sans doute pas été le premier Président noir des Etats-Unis.
En 2012, pour l’élection présidentielle française, les équipes d’Obama sont même venues en France pour brieffer les équipes de la campagne de François Hollande. Blue State Digitak s’est donc installé le temps de la campagne, dans les bureaux du candidat socialiste pour prodiguer leurs conseils à l’équipe Web française.François Fillon, lors de sa campagne face à Jean-François Copé, a dénoncé les trucages opérés par des « robots » votants. Il remarque que certains sondages dépassent même le nombre d’adhérents de l’UMP. Reflets souligne que ces trucages sont monnaie-courante et que cette technique est la pour « donner l’impression au grand public d’un mouvement de masse dans l’opinion publique ».La mise en pratique de cette nouvelle politique n’est pas concevable sans comprendre les fondamentaux de l’open gouvernance. La transparence et la participation sont les maîtres mots de la démocratie directe comme l’explique les membres de Open Gov Tunisia. En 2009, l’Islande fait faillite et les citoyens décident de reprendre en main le contrôle de leur pays. En 2012, surgit l’idée d’une nouvelle Constitution ou les Islandais s’impliquerait dans l’élaboration du texte. D’ailleurs nous avions eu la chance d’écouter lors du Lift à Marseille les mécanismes de cette Co-Construction. Le parti Pirate quant à lui, base sa politique sur la transparence des informations politiques et l’ouverture des données publiques.
Dernièrement, ce sont les Italiens qui ont fait part de leur mécontentement en faisant du « Movimento 5 Stelle » (Mouvement des 5 étoiles) le troisième parti d’Italie.
L’open gouvernance au service de la politique
Le M5S est une expérience de la démocratie numérique de base : pour ces élections tout le monde a pu participer, présenter son programme sur le site Web du M5S, et tout le monde peut voter. A l’image de la Tunisie et de l’Islande qui ont crowdsourcé leur constitution, on s’aperçoit que la politique participative et l’open gouvernance s’ancrent de plus en plus dans la politique traditionnelle. Parmi ces 25% élus, on s’aperçoit de l’hétérogénéité des personnes du M5S qui composent le Parlement. Ils ne sont ni politiques de profession et ne souhaitent pas le devenir, ils sont normaux avec des professions normales même parfois précaires. Mais ils sont passionnés par le net. Logiquement, ce vote a favorisé l’entrée au Parlement des jeunes mais aussi des femmes – 31%.
L’open gouvernance catalyserait la parité ?
Les orientations politiques de ces élus sont variées, comme nous l’explique Alberto di Majo : «un électeur de gauche y trouvera son compte, par exemple dans le fort engagement pour que l’école et la santé restent publiques et bénéficient de plus d’investissements; et un électeur de droite se reconnaîtra dans l’attention aux petites et moyennes entreprises tout comme dans l’abolition de l’IMU (taxe foncière et d’habitation)». Cependant ces partisans se retrouvent autour d’un thème : la démocratie directe – régime politique dans lequel les citoyens exercent eux mêmes le pouvoir. Forcément plus facile à implanter des usages participatifs quand le parti politique prône un pouvoir sans intermédiaire.
La stratégie digitale : le cas Beppe Grillo
1. Le message
La stratégie adaptée par Grillo est celle du rejet de l’establishment politico-médiatique italien.
2. La popularité : les blogs et le terreau digital se travaillent bien en amont des échéances politiques
Tout commence en 2005 avec la création de son blog. Beppe Grillo caricature et dénonce les classes politiques italiennes, et partage ses coups de gueule. Tribune de choix, son blog est l’un des plus lus d’Italie et atteint la 9ème position des blogs les plus populaires au monde selon l’Observer en 2009.
3. Etre international : la crédibilité et la réputation naît à l’étranger car, évidemment, Internet n’a pas de barrière
Enrichit d’une version anglaise et japonaise, le blog voit augmenter ses visites au niveau mondial. C’est près de 150 000 et 200 000 visiteurs par jour en Italie.
4. Usage intensif des réseaux sociaux
La marche est lancée, le « messie » va utiliser les réseaux sociaux et son blog pour créer des rassemblements contestataires dans toute l’Italie. Dès 2007, il parcourt l’Italie avec son « Vaffanculo Day ». Il utilise le portail du réseau social Meet Up pour former des groupes locaux à travers le monde (aujourd’hui 856 groupes, dans 14 pays qui comportent environ 120 000 membres) et créer des leaders d’opinion. Reprenant le système du « DIY » (Do It Yourself), le M5S fabrique lui même ses vidéos de campagne. Beppe Grillo boycotte les plateaux télés et refuse que les membres de son mouvement apparaissent dans des émissions. Ses différents meetings du « Tsunami Tour » sont retransmis en direct sur son site M5S, ainsi que sur sa chaîne Youtube – La Cosa. Son écosystème digital est prolifique, le relayage des informations sur les différents sites (blogs, forums…) permet de créer un nouveau moyen de répandre ses idées en dehors des médias traditionnels. De plus, l’application Beppe Grillo, disponible sur iTunes, donne accès à son blog, son compte Twitter et ses vidéos.
5. Le community management militant
Un discours écolo et anti-euro, où il critique les dérives de la politique italienne sur un ton agressif dans le but de faire réagir ses auditeurs. Aujourd’hui sa page Facebook compte 1,2 millions de fans, 1 044 491 followers sur Twitter et près de 110 millions de vues sur ses vidéos Youtube.
6. Créer le débat sur Internet
Grâce à l’impact de sa politique digitale, il arrive à la troisième place des partis présents au Parlement. La démarcation est fine entre ceux qui utilisent les médias traditionnels et ceux qui s’informent via le Web. Cette barrière digitale (digital divide) oppose deux visions du personnage. A travers les médias traditionnels, Beppe Grillo est un personnage grossier de la vie politique italienne au contraire du Web ou il est perçu comme un leader. Dès 2012, via son blog, il recrute des centaines de candidats pour tenter de décrocher des mandats de maire lors des élections municipales partielles. 4 millions d’italiens ont voté et, les « grillini » gagnent 4 mairies sans l’aide d’aucune structure, ni soutien financier, mais seulement grâce à des actions menées sur le Web. Internet est donc un lieu de mobilisation, et a propulsé le M5S dans le monde politique. Beppe Grillo représente une première expérience concrète. Aux yeux de nombreux communicants, ce dernier est précurseur : il a réussi à faire d’Internet une promesse et un lieu de campagne électorale.
7. Etre entouré des meilleurs
Gianroberto Casaleggio – cofondateur du blog Beppe Grillo, dirige une agence de conseil en stratégie digitale spécialisée dans le marketing viral. Véritable guru de la communication sur le Web, cela fait 10 ans qu’il travaille en commun avec Beppe Grillo. Avec lui, Internet doit créer un sens à la participation, basé sur la vérité puisque tout est vérifiable : il faut donc créer une structure collective de confiance.
8. Considérer le web comme un espace réel
« La nouveauté réside dans une utilisation du Web comme une circonscription électorale. Avec l’idée d’une nouvelle démocratie où la relation est directe entre élus et électeurs. Ce modèle de parti opère comme une franchise » explique l’historien italien, Federico Fornaro. Internet est un instrument démocratique, ou il n’y a plus besoin de médiation, les élus sont des portes parole : ils doivent rendre compte de leur activité, écouter les citoyens pour pouvoir agir en conséquence. La campagne électorale repose sur l’influence numérique et participative : « Notre succès, c’est un peu comme un virus. Un virus pour lequel ils n’ont pas trouvé de vaccin et qui se propage comme une épidémie. C’est ainsi que vous devez le voir. » explique le guru Gianroberto Casaleggio.
Et après ?
Il est important aujourd’hui d’utiliser les médias participatifs pour laisser place à l’expression citoyenne. Aujourd’hui, les politiciens investissent et mise sur le digital que ce soit le Web ou le mobile vecteur très fort pour s’exprimer, échanger, fédérer, et faire participer. Il n’est plus concevable d’être un homme ou une femme politique moderne sans stratégie digitale forte pour se faire élire.
Cependant transparence et authenticité deviennent les maître mots d’une politique citoyenne. Le « fact checking » en reste un des exemple fort (le travail de vérification et la validation des messages et informations publiés). Les politiciens doivent donc faire preuve de vérité. Sur Internet les informations fusent, attention à la viabilité des informations et promesses données, les « fact-checkeurs » se feront un plaisir de vous contredire et de vous rappeler à l’ordre.
Article imaginé par Nicolas @nicolas2fr, rédigé par Alice, sniffé par Louis @LouisDuverger, pimenté par Vincent @Vicnent, finalisé par Thibaut @thib39
1 Commentaire
Jean-Philippe Timsit
3 janvier 2017 at 16 h 10 minChouette papier ! Voici ma contribution sur la question si cela vous intéresse: http://fr.slideshare.net/jeanphilippetimsit/lart-de-la-stratgie-digitale-pour-les-professionnels
A mon sens, que l’on parle de stratégie politique ou de stratégie d’entreprise, la question de la vision est absolument clé !